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Faire un bœuf Jazz Manouche

Il arrive que des spectateurs lors d'un boeuf de jazz manouche se demandent comment il est possible que des musiciens qui ne se connaissent pas puissent jouer une telle musique, qui sonne comme dans un bon CD de jazz. Les musiciens connaissent en fait naturellement les morceaux (qui sont la plupart de grands standards) à travers les accords, les thèmes et les enregistrements, et connaissent sur le bout des doigts leur structure.

Sans ces règles de base, une séance de jam de jazz manouche serait vraisemblablement une cacophonie inaudible !

Deroulement et principes de base pour un boeuf

Les règles énoncées ici ne sont bien sûr pas à graver dans la pierre, mais elles donnent une bonne base pour réussir un bon boeuf.

Déroulement

Il est souvent bien pratique de disposer d'une liste de morceaux pour lesquels vous savez jouer au moins la pompe par coeur. A partir d'une telle liste on trouve rapidement un morceau qui convient à tous les musiciens du boeuf. Avoir les grilles avec soi peut être un plus.

Celui qui joue le thème joue souvent aussi l'intro s'il la connait. Il est pour ainsi dire le leader du morceau, et en determine le tempo grâce à l'intro. L'intro doit être claire et dans le rythme pour bien démarrer le morceau.

Après le thème, un premier solo prend place (souvent interprété par celui qui a joué le thème). Lorsque le premier soliste est à cours d'inspiration, environ 4 mesures avant la fin du solo, il fait signe au prochain soliste qu'il s'apprête à terminer. S'il refuse, il lui reste une ou deux mesures pour faire signe à un autre musicien.

Ainsi se distribuent les solo parmi les musiciens.

Il est également possible de définir l'enchainement des solistes avant de démarrer le morceau.

On trouve souvent un musicien central (souvent l'organisateur du boeuf) qui suggère l'enchainement des solistes avant ou fait des signes pendant les solos pour lancer le prochain soliste. Pour un groupe, le musicien central serait sûrement le leader du groupe, et pour un boeuf, c'est souvent celui qui connait bien et joue les thèmes.

Lorsque tous les solistes on fait un solo (n'oubliez pas le pauvre bassiste), celui qui a joué le thème en intro joue également souvent le thème pour finir le morceau.
Ce musicien a également plus ou moins la responsabilité de bien finir le morceau, et on lui accorde ainsi le dernier mot. Il s'agit souvent de quelques phrasés bien placés sur les dernières deux ou trois mesures du morceau. A noter qu'il n'est pas si facile de bien finir un morceau et c'est malheureusement un aspect souvent négligé par débutants et musiciens avancés.

Parfois on joue un tour de solo avant le théma final, où les musiciens enchainent de courts solo de 4 mesures, souvent dans l'ordre dans lequel ils ont joué durant le morceau. Ce tour est souvent annoncé par le leader du morceau (ou du boeuf).

ét la musique ?

Pour ne pas ruiner un boeuf, il faut prêter attention au niveau sonore de son intrument. Si deux guitaristes ou plus jouent la pompe, ils veillent alors à être exactement dans le rythme et marquent bien le premier temps, et se mettent entièrement au service du soliste. Si on a un bassiste solide, on peut se caler sur lui pour le rythme.

Le placement joue également un certain rôle. Entre amis, on a tendance à se mettre en cercle, on se voit bien ainsi.
Si vous essayez d'installer les chaises en demi cercle, vous vous rendrez compte que se retrouver à gauche ou à droite d'un autre musicien peut être très différent. Les guitares à votre droite seront plus difficilement audibles comparées aux guitares sur votre gauche. Cela vaut la peine de tester plusieurs emplacements.

Bien évidemment le ou les pompistes doivent bien rester dans le rythme. Quand un trou noir survient et qu'on ne sait plus quels accords jouer, il faut essayer de continuer à battre le rythme meme sans plaquer d'accords en attendant de retomber sur ses pattes.

L'heure de vérité

Un boeuf est souvent l'heure de vérité pour ce magnigique thème que vous n'avez de cesse de répéter fièrement à la maison, ou cet incroyable lick qui passe comme dans du beurre à la maison. Bien insérer les licks appris à la maison durant un boeuf n'est pas chose aisée.
Parfois le tempo est un peu plus rapide, et ce thème si facile devient une épreuve où on essaie de sauver les meubles. C'est ca aussi qui fait monter l'adrénaline pendant un boeuf.

Une bonne préparation

En premier lieu il faut maitriser le rythme. Si vous connaissez les morceaux par coeur c'est mieux. Certains boeufs privilégient tels ou tels morceaux, il est bon de connaitre les habitudes.
On s'amuse bien à un boeuf quand on peut faire des solos sur plus ou moins tous les morceaux. Avoir bien intégré les arpèges et gammes de base est quasiment un prérequis.




Quelques notions d'harmonie ne font pas de mal non plus. En principe il faut savoir sur quel accord un peut placer un lick, sinon le lick n'a pas grand intérêt.

On peut se faire piéger parfois lorsqu'on connait un solo de Django à la croche près, sans vraiment connaitre l'harmonie derrière. Cela arrive vite durant un boeuf de décrocher d'un solo et de devoir promptement rattraper le train en route. Un cas typique se rencontre lorsque le soliste précédent joue exactement le solo de Django que vous vous apprêtiez à jouer pour épater la galerie. Répéter un solo n'est pas très correct, c'est pour cela qu'il est bon de bien connaitre l'harmonie et pouvoir se débrouiller sans jouer son solo fétiche.
Jouer parfaitement un solo de Django, cela ne fait pas nécessairement un bon soliste. C'est seulement un bon signe que la technique de base et les phrasés sont bien maitrisés.

Il est préférable de pouvoir construire un solo sur deux chorus consécutifs. Il est dommage (mais courant) de jouer un solo fulgurant sur le premier chorus et de le ruiner sur le deuxième. Il peut en effet arriver que vos collègues épatés s'enthousiasment et vous demandent encore un tour. La roche tarpéienne est près du capitole !

Sur ce, je vous souhaite un bon boeuf !

Christian Ruh